La frappe monétaire consiste essentiellement dans l’apposition d’une marque sur une masse métallique assez malléable pour la recevoir. Ce procédé, n’a donc rien qui le distingue de l’usage du sceau connu dans les plus anciennes civilisations, sous la forme du cylindre de pierre dure, chez les Assyriens, les Babyloniens, les Hittites ; du cachet plat, ovoïde ou rectangulaire ; du scarabée, chez les Égyptiens.
L’artifice qui consiste à reproduire à volonté sur une matière plastique une image gravée en creux, et qui sert dès lors à certifier l’authenticité d’un document, en évoquant le symbole de la personne qui en est l’auteur, ou bien en prenant les dieux à témoin, fut universellement répandu dans le monde ancien.

Le type monétaire n’avait aucune application particulière. Une monnaie d’Ephèse, dont l’unique spécimen se trouve au British Museum, porte autour de l’image d’un cerf la légende : « je suis la marque de Phanès », ce que l’on peut comparer à la légende d’une gemme gravée de la même époque : « je suis la marque de Thersis, ne m’ouvre pas ».
Mais dès le début, un clou cassé pouvait suffire à marquer d’un signe individuel les pastilles de métal qui passaient par les mains des changeurs établis dans leurs comptoirs d’Ionie. Après avoir fait usage pendant un temps indéterminé de ces globules anonymes, ils trouvèrent sans doute expédient pour en faciliter l’échange, d’y imprimer la plus simple des marques personnelles. Ces marques se multiplient parfois sur la même pièce, ce qui semble prouver qu’elle était « endossée » comme nos chèques modernes, par plusieurs banquiers successifs.
Bientôt on distingue sur ces empreintes d’abord informes, des sujets figurés plus ou moins facilement identifiables, ce qui veut dire que la surface du poinçon qui a remplacé le clou brisé, commence à être travaillée comme la matrice d’un sceau. Il ne reste plus qu’à perfectionner l’outillage.
Celui-ci, à l’époque classique comporte une enclume dans laquelle se trouve encastré un coin fixe – et un coin mobile. L’ouvrier saisit à la pince un flan métallique préalablement fondu pour lui donner le poids déterminé dans une lingotière, et chauffé pour le rendre malléable, il le place sur l’enclume, applique au-dessus le coin mobile sur lequel il frappe à coups de marteau pour refouler le métal.
Démonstration à l’American Numismatic Association money show, 2009.
Le type principal est donc celui de l’enclume, c’est celui qui est porteur d’un symbole expressif. Le coin mobile n’est pourvu primitivement que d’un motif aux arêtes assez saillantes pour remplir son office de refouloir. Ce motif affecte la forme d’un carré creux, divisé parfois en quatre compartiments. Ces compartiments peuvent être de profondeur inégales et obliques en « ailes de moulin », selon l’expression adoptée. Plus tard le coin mobile sera doté lui-même d’un type secondaire, la monnaie aura deux faces, le droit et le revers, un côté pile et un côté face, comme nous disons encore ; les Romains, en se référant aux types de leurs monnaies disaient : tête ou prou, en jouant au même jeu de hasard que nos enfants. Il va de soi que les bords du flan, déjà irréguliers à la fonte, sont encore déformés par la frappe qui écrase le métal ; ils ne sont donc pas rigoureusement arrondis comme la mécanique perfectionnée des temps modernes nous y a accoutumés. Il en résulte une commodité moins grande : la monnaie antique roule plus facilement qu’elle ne s’empile, mais assurément plus de souplesse du point de vue artistique. Le bourrelet qui entoure l’un des types indique que c’est là la face qui reçut les coups de marteau, le coin mobile. L’ouvrier n’aurait pas pu d’un seul coup parfaire son ouvrage il frappe plusieurs fois de sa masse, le flan peut se déplacer et recevoir plusieurs empreintes superposées, on dit alors que la pièce est « tréflée ».
Les coins dont se servait le monétaire antique étaient en fer ou en bronze trempé, et d’une résistance relativement faible. Une centaine de tétradrachmes d’argent, un millier de drachmes peut être, en venaient à bout. Au cours d’une émission, en assemblant les pièces de mêmes coins qui nous sont parvenues, dispersées en quantité de dépôts ou de collections, nous assistons à l’usure progressive du matériel. Un coin se fendille, se brise, on l’emploie jusqu’à la dernière extrémité avant de le remplacer. Les érudits modernes, grâce à des observations minutieuses, sont parvenus à observer dans une suite monétaire non seulement la succession des coins variés mis en œuvre pour la fabriquer, mais les états successifs d’un même coin.
En outre, le coin fixe et le coin mobile ne s’altéraient pas selon la même cadence. A un même coin d’enclume s’accouplent différents coins mobiles, car ceux-ci « travaillent » davantage sous le marteau qui les frappe. Si nous pouvons ainsi pénétrer rétrospectivement dans l’atelier même de la frappe, certains usages nous demeurent inconnus, une marge d’incertitude borne notre connaissance. Il est certain, par exemple, qu’une réserve de coins gravés en bon état étant conservée dans le magasin, on décidait parfois d’y avoir recours pour une émission nouvelle, et voilà qui déconcerte nos calculs chronologiques.
Certaines pièces, un grand nombre, sont entre nos mains à l’état de neuf, elles n’ont sans doute jamais circulé, on les dit « à fleur de coin ». D’autres sont frappées avec une négligence singulière qui contredit la délicatesse de leurs types, c’est le cas notamment des monnaies de Crète. Quand un trésor nous est livré par le hasard d’une trouvaille, l’état comparé des espèces qu’il contient peut-être d’un grand secours pour fixer la date de l’enfouissement.
Ajoutons que l’état du flan lui-même peut-être la matière de bien des observations utiles. Ce métal écroui a subi au cours des siècles certaines altérations, la surface, quand il s’agit de l’argent, est recouverte d’une patine, d’un réseau de veinules ou de craquelures, les bords ont éclaté sous la pression du marteau. Sur les monnaies de Sicile, on remarque de part et d’autre de l’équateur un appendice en relief, une torsion qui subsiste après la préparation du flan, après l’intervention de la cisaille qui l’a détaché.
Il faudrait aborder ici la question des faux.
Il n’est guère de domaine de l’archéologie où l’adresse des faussaires se soit exercée avec plus d’habileté et, si l’on peut dire, avec plus de bonheur. Certains d’entre eux se sont fait une réputation qui a fait croire à leur science ou à la complicité de véritables érudits. Leurs productions ont envahi le marché, et bien rares sont les connaisseurs qui ne s’y sont pas laissés prendre. L’étude attentive de la technique est le meilleur moyen d’éviter l’erreur.
Sur ce terrain, les numismates ont été jusqu’à la limite du scrupule. On observe à présent la position des coins l’un par rapport à l’autre, et le croisement de leurs axes respectifs est indiqué sur les meilleurs catalogues. La question du « droit » et du « revers » a été posée. A Corinthe, pour prendre un exemple, c’est le Pégase qui est le coin d’enclume, ce que nous appelons le droit, ou le type principal. La tête d’Athéna Chalinitis, coiffée du casque corinthien était gravée sur le coin mobile, celui du revers. A Athènes, c’est au contraire la tête d’Athéna qui figure sur le coin fixe, et la chouette sur le coin mobile. Si la « face » offre une surface convexe, le « revers », qui refoule le métal, est légèrement concave.
La technique de la frappe se perfectionna au cours des temps.

Dès le Ve siècle, à Athènes, on imagina pour la préparation des coins de se servir de poinçons en relief, qui donnaient tout au moins la silhouette du sujet à reproduire : la chouette en l’espèce, et que le graveur n’avait plus qu’à reprendre ou à compléter au burin.
Les dimensions mêmes du flan offraient un obstacle à la frappe au marteau. Les anciens ne réussirent qu’exceptionnellement à frapper de grosses pièces d’argent : ce sont le Demareteion de Syracuse, en 480, le décadrachme d’Athènes, en 490, les décadrachmes de Syracuse, vers 413, ou celui d’Agrigente, en 410 : ce sont là de véritables médailles, au sens où nous l’entendons, dont le caractère, bien qu’elles rentrent dans un système pondéral régulier, est avant tout commémoratif, nous ignorons dans quelle mesure elles furent mises en circulation. La plus grande pièce que l’antiquité nous ait transmise – et on n’en connaît qu’un seul exemplaire, conservé au Cabinet des médailles de France – est l’énorme monnaie d’or d’Eucratide, roi de Bactriane vers 190-150. Elle ne pèse pas moins de 20 statères, soit 168 gr., et son diamètre est de 56 mm.
Il faut signaler enfin la technique particulière adoptée jusqu’en 480 par un groupe de villes de la Grande Grèce : Cumes, Velia, Crotone, Tarente, Métaponte, Syris et Pyxus, Sybaris, Laus, Posidonia, Caulonia, Rhegium. Les monnaies de ces cités, frappées sur un flan mince d’argent, portent à leur revers un type « incus », c’est-à-dire en creux, qui reproduit parfois, inversé, comme une bractéate ou une feuille estampée, celui de l’avers. Cette originalité a éveillé la perspicacité des archéologues qui n’ont guère pu donner de solution à ce problème qu’en évoquant l’ingéniosité du philosophe Pythagore, inventeur présumé de ce procédé qui n’eut qu’une existence éphémère et ne fut imité nulle part ailleurs. Nous n’en saisissons pas les avantages ou la raison d’être.