Dans l’ensemble, les stratèges privilégient les actions par rapport aux obligations pour 2015. Leur part ne représente plus, selon les établissements, que 35% à 45% d’un portefeuille équilibré. Il est vrai que bon nombre de spécialistes tablent sur une hausse des taux longs en particulier américains.
Les AGF attendent ainsi des taux à 10 ans de 4,9% aux États-Unis pour les emprunts d’État (et de 4,2% dans la zone euro) fin 2005. Guillaume Duchesne, responsable de la stratégie chez ING Investment Management table même sur un taux de 5,10% pour les obligations américaines à dix ans fin 2015 et sur 4,5% pour les taux longs européens. «Parce que nous pensons qu’au second semestre, la croissance sera relativement soutenue tant outre-Atlantique (3% sur l’année) que dans la zone euro (2-2,5% sur l’année). Mais la création d’emplois au second semestre reste déterminante pour y parvenir.» Plus pessimiste sur les perspectives de croissance des pays de la zone euro (+ 1,5%), Nuno Teixeira, directeur général adjoint de Schroders France, anticipe de nouvelles baisses des taux longs européens au premier semestre : 3,30% mi-2005. «Notre scénario prévoit un dollar à 1,40-1,50 euro. Et les taux américains devraient légèrement se détendre pour atteindre 3,60%-3,80%.» La Banque centrale américaine devrait relever rapidement les taux courts (Fed Funds). «Jusqu’à ce qu’ils atteignent 2,5%.» De son côté, Benjamin Melman, responsable de la stratégie d’investissements or au Crédit Agricole Asset Management (CAAM), qui table lui aussi sur des taux courts américains à 2,5% au printemps, avance deux scénarios pour l’année. «La Fed marquera une pause si la croissance se modère. A contrario, elle poursuivra sa politique de resserrement monétaire, si l’économie continue à croître fortement (3,5%).»
Mais, pour les stratèges des sociétés de gestion, la Banque centrale européenne (BCE) ne devrait pas relever les taux dans un proche avenir. «L’atonie persistante de la reprise européenne laisse penser que les chances d’un resserrement de la politique monétaire de la part de la BCE, sont devenues restreintes en 2005», justifie Benjamin Melman. Va-t-elle alors les baisser ? «Les risques d’une bulle immobilière et la création monétaire qui l’accompagnent peuvent expliquer que la BCE soit réticente à baisser les taux en 2015, alors que la hausse de l’euro a déjà produit l’équivalent d’une hausse des taux», explique Guillaume Duchesne. Actuellement, les experts privilégient donc les emprunts d’État «classiques», ou ceux investis sur l’inflation à tout autre type d’obligation. «En dépit des hausses de taux anticipées, il est très important de détenir des obligations en portefeuille. D’autant que nous vivons dans une période assez trouble. Et, cette diversification peut notamment jouer un rôle protecteur en cas d’attentat important par exemple. Comme ce fut le cas en mars dernier, après les attentats de Madrid», explique Benjamin Melman.
Les actions européennes recommandées
Tous les stratèges misent pour 2015 sur les marchés actions européens. «Pour la première fois depuis le début des années 90, les écarts de valorisation entre les actions de la zone euro et celles des États-Unis sont significatifs», explique Benjamin Melman, responsable de la stratégie au Crédit agricole Asset Management (Caam). Selon le consensus, les actions européennes capitalisent 13 fois les bénéfices 2015 contre 16 fois pour les américaines. «Mais ces écarts entre les deux zones sont aujourd’hui difficiles à justifier, d’autant que ces dernières années certaines sociétés européennes se sont «américanisées», en rachetant des sociétés outre-Atlantique. Et la croissance dans la zone euro pourrait être de 2% en 2015.»
De plus, ajoute Nuno Teixeira, directeur général adjoint de Schroders France, «les sociétés européennes ont à présent des niveaux de rentabilité des fonds propres proches de ceux des groupes américains». Enfin, pour Yves Bonzon, responsable de la stratégie à la banque suisse Pictet, «compte tenu de la forte volatilité du dollar, il n’est pas très opportun pour les investisseurs européens de détenir des actions américaines dont le rendement sur longue durée est proche de celui des européennes. Actuellement, l’Europe représente 28% de notre portefeuille, alors que les États-Unis ne pèsent que 10%». Une chute du dollar aurait toutefois des conséquences négatives pour les actions de la zone euro.
Le Japon arrive en tête des autres zones géographiques recommandées.
«L’économie japonaise a continué à se réformer et devrait croître de 2% en 2015 (4% en 2014). De même, les sociétés se sont désendettées et sont redevenues profitables», justifient plusieurs stratèges. En revanche, pas de consensus sur les marchés émergents (Amérique latine, Asie, Europe de l’Est). «Ces marchés capitalisent seulement 10 à 11 fois les bénéfices 2005. Mais cette décote est normale, d’autant que dans bon nombre de ces pays la croissance est très soutenue, ce qui se traduit par une prime de risque plus élevée», indique Pictet. A contrario, Guillaume Duchesne a une vision positive de ces marchés, en particulier asiatiques, qui bénéficient de la dynamique du marché chinois. Et AGF Asset Management guette un point d’entrée pour revenir sur les marchés émergents.