II est assez surprenant de constater que la monnaie ne fait son apparition à Rome qu’à une date relativement très tardive. C’est seulement à la fin du IVe siècle avant notre ère, plus de cinq cents ans après la fondation de la ville, quatre cents ans après l’invention si féconde des Grecs d’Asie, que les Romains commencent à faire usage de monnaies particulières, et ces espèces sont si grossières encore qu’elles font conclure à un état économique très primitif. Cette anomalie a paru si étrange qu’elle a été difficilement acceptée par les humanistes anciens. Ils ont donc attribué à l’un des rois de Rome, Servius Tullius, l’inauguration d’un système d’instruments d’échange moins défectueux, mais une critique plus récente a fait bon marché d’une hypothèse qui repose seulement sur quelques mots de Pline l’Ancien : « Servius rex primus signavit aes».

Comme tous les peuples au premier stade de leur développement, les paysans qui avaient installé leurs cabanes sur les sept collines, firent usage du métal comme d’une commune mesure de leurs denrées. Ce métal était le bronze, non façonné, découpé rudement en morceaux informes, ou coulé en lingots. C’est ce qu’on appelle l’aes rude. A cet aes rude ont succédé des plaques fondues rectangulaires, portant l’image d’un bœuf le plus souvent, ce qui nous ramène à la conception de la richesse évaluée en bétail : pecunia, réduite dès lors à une image symbolique. Mais on y voit encore un fer de lance, un caducée, un trident, un trépied, des poulets picorant et nous sommes fort en peine de démêler à quoi ces objets font allusion. L’usage de ces sortes de briques, du poids de cinq livres, d’un maniement fort incommode, demeure d’ailleurs obscur.
On leur a donné le nom d’aes signatum. Des spécimens divers en ont été trouvés dans l’Italie centrale et méridionale. La Loi des Douze Tables, en 450 av.J.-C. substitue définitivement la monnaie de bronze au bétail pour le règlement des transactions.
Les premières monnaies dignes de ce nom sont des pièces de bronze fondues selon le système libral. C’est-à-dire que l’unité, désignée par le mot as, équivalait à une livre de poids, mais non pas la livre romaine de 327 gr. 45 : l’ancienne livre osque de 273 gr. environ.
L’as était divisé en douze onces, et nous avons dès lors l’échelle de valeurs suivante, représentée à chaque degré par une monnaie : as (douze onces) – semis (six onces) – triens (quatre onces) – quadrans (trois onces) – sextans (deux onces), et once.
Ces pièces ont pour type sur l’une des faces la tête d’une divinité, respectivement Janus bifrons, Jupiter, Minerve, Hercule, Mercure, Bellone. Le type du revers est uniformément une proue de navire. L’indication de la valeur figure sur les deux faces : I pour l’as, S pour le semis, et pour chacune des autres pièces, autant de globules qu’elle représente d’onces.
Les multiples de l’as étaient le dupondius, le tripondius, le quadrussis, le quincussis, jusqu’au decussis, la plupart n’ayant jamais été fondus, et n’étant qu’une monnaie de compte. Des séries analogues ont été trouvées dans les villes du Latium, de l’Étrurie, de l’Ombrie, du Picenum, de l’Apulie, qui suivirent ainsi l’exemple donné par Rome.

Le type de la proue, qui pourrait nous fournir un indice chronologique, a prêté à discussion. On y a vu autrefois une allusion aux rostres des navires d’Antium rapportés à Rome, en 467, par Q. Capitolinus, pour décorer la tribune aux harangues. Cette proue atteste, d’après Haeberlin, l’avènement de Rome comme puissance navale, à la suite de la prise d’Antium, en 338. Cette date a paru à des critiques plus récents, trop reculée encore. On fait honneur de l’invention de ce monnayage à Appius Claudius, censeur en l’an 312, en rappelant que l’institution des duoviri navales remonte à 311, et que l’alliance avec la puissance maritime de Carthage date de 306.
Las érudits sont donc d’accord pour placer l’aes grave, ce système de l’as libral aux environs de l’an 300. Cette monnaie encombrante devait bientôt subir une série de réductions dont il faut chercher la cause dans les événements politiques ou militaires où se jouait le destin de Rome.
En 286, l’as est réduit de moitié, c’est le système de l’as semi-libral, auquel succède l’as triental, dont les petites divisions ne sont plus coulées mais frappées. L’as ne pèsera plus qu’une once en 217, l’année de la bataille de Trasimène. Toutes les monnaies sont dès lors frappées, et au-dessus de la proue de navire est inscrit le nom de ROMA. Enfin, en 89 Av. J.-C. la loi Plautia Papiria donne à l’as le poids d’une demi-once. La monnaie de bronze n‘a plus de valeur intrinsèque, c’est une monnaie fiduciaire, dont le poids même devient indifférent. La frappe en fut suspendue sous Sylla, pour ne reprendre qu’en 15 av. J.-C. où l’as est frappé avec le poids d’un tiers d’once qu’il conservera durant toute l’époque impériale.

République Romaine, Fonteia, denier MN FONTEIUS, 114 113 av. JC – 19
Ceci pour la monnaie de bronze. Mais au cours des guerres pyrrhiques, Rome s’était trouvée en contact avec des cités hellénisées où le monnayage de l’argent était depuis longtemps en vigueur. Il était naturel qu’elle suivît leur exemple. La première monnaie d’argent de Rome porte la légende ROMANO, ou ROMA avec pour types la tête d’Hercule imberbe, et au revers la louve allaitant Romulus et Rémus. On a donné à ces didrachmes et à leurs subdivisions, dont les types sont à la fois romains et carthaginois, le nom abusif de romano-campaniens. En réalité il s’agit d’un monnayage par Rome en différents ateliers, pour alimenter la guerre menée par Rome et Carthage contre Pyrrhus, en 279.
La défaite de Tarente, qui marque la fin des guerres pyrrhiques eut lieu en 269. On date de 268, l’année de l’installation de l’atelier de Juno Moneta au Capitole, la frappe du denier, pièce d’argent de la valeur de dix as marquée par le signe X, donc 1 /72 de la livre, dont les sous-multiples sont le quinaire et le sesterce (deux as et demi). Les types en étaient la tête de Rome et les Dioscures. En même temps circulaient en Italie des monnaies d’argent aux types de la tête de Janus et du quadrige qui furent désignées sous le nom de quadrigati.
Entre la première et la deuxième guerres puniques une autre espèce fut émise, le victoriat ou drachme équivalant à trois quarts de denier, à l’effigie de la Victoire, frappée au moment des guerres de l’Adriatique et du même système que les monnaies de l’Illyrie. Le victoriat passait pour une drachme par rapport au quadrigat considéré comme didrachme.
- C’est seulement en 289 qu’aurait été émis l’aes grave.
- En 269 se placerait la frappe du premier argent romain, non pas du denier, mais des monnaies dites à tort romano-campaniennes.
- En 235, l’as libral subit une réduction de moitié : as semi-libral.
- En 216, l’as est réduit à quatre onces, et l’on frappe les quadrigati ;
- en 205, le victoriat.
Enfin la date d’émission du denier est reportée, en même temps que celle de l’as sextantaire, à 187 ; la déesse dont la tête sert de type aux premiers deniers serait non pas Rome, mais Bellona, patronne de la guerre. Quoi qu’il en soit, c’est à l’occasion des guerres contre Hannibal, de 217 à 212, que furent frappées les premières monnaies d’or. On y distingue deux séries.
- l’une purement romaine, avec pour types la tête barbue de Mars, et au revers un aigle qui rappelle peut-être la ville d’Aquilée d’où venait le métal précieux. Ces pièces portent des marques de valeur : LX, XXXX, XX, qui se réfèrent à 60, 40 et 20 sesterces, soit 3, 2, et 1 scrupules, le scrupule étant un poids de 1 gr. 137.
- L’autre groupe, frappé hors de Rome, comprend des monnaies de 6 et de 3 scrupules, dont les types sont la tête de Janus, et une scène de serment qui nous montre deux guerriers touchant de la pointe de leurs glaives un porc tenu par le sacrificateur, le sacerdos fecialis ; l’un est un Campanien barbu, vêtu de la chlamyde grecque, l’antre, imberbe, est équipé à la romaine.
2 réponses sur « Origine de la monnaie romaine. »
Très bien résumé.
merci