L’Europe moins vulnérable que les États-Unis et la Chine.

Un nouveau choc pétrolier qui va remettre en cause la croissance économique si récente et fragile en Europe ? Chacun se souvient que l’année 2000 avait été celle du retournement de l’économie mondiale ; la flambée des prix de l’or noir y avait alors puissamment contribué, y compris en France dont la facture pétrolière avait doublé par rapport à l’année précédente.

Ce scénario ne semble pourtant pas aujourd’hui le plus probable. Si la hausse des matières premières et du pétrole constitue « un sujet d’inquiétude » elle n’a pas pour l’instant «pénalisé le retour de la croissance » a-t-il affirmé.

Certes les marchés pétroliers battent en ce moment « record sur record ». Le cours du Brent à Londres à côté hier 40,20 dollars le baril, ce qui égale son plus haut historique de l’automne 1990 au moment de la guerre du Golfe. Mais de quoi parle-t-on? Lorsque le vent souffle à plus de deux mètres seconde, les records du 100 mètres ne sont pas homologués. Cette règle de bon sens des courses d’athlétisme, les milieux économiques semblent l’ignorer superbement. On fait fi du cadre où s’inscrivent ces chiffres, en particulier de l’évolution générale des prix. En quatorze ans, l’inflation cumulée en France a été de 25%. C’est dire que les prix du Brent, en tenant compte de cette dérive inflationniste d’ensemble, sont en réalité inférieurs de 25% à ce qu’ils étaient en 1990.
Cette remise en perspective, montre que le pétrole est encore loin d’atteindre ses sommets historiques. Pour retrouver les niveaux réels des années qui ont suivi le deuxième choc pétrolier (celui de la crise iranienne et du renversement du Shah d’Iran en 1979), le baril devrait se payer aux alentours de 90 voire 100 dollars.

Il est une autre façon de saisir l’impact réel des prix du pétrole, c’est de regarder le poids de la facture énergétique extérieure. Pour la France, selon les chiffres de l’Insee (il n’en existe pas d’autres), ce déficit a représenté 21,4 milliards d’euros en 2003, pratiquement sans changement, en monnaie courante, depuis 2000 (22,4 milliards d’euros). Cette somme est en revanche pratiquement le double de son niveau de 1999, qui avait enregistré un « record» de faiblesse, soit 11,4 milliards d’euros. Mais elle demeure très inférieure aux 30,4 milliards d’euros qui avaient marqué le point haut historique.

Plus significative encore, la facture pétrolière de la France a représenté 1,37% du PIB du pays en 2015, contre seulement 0,84% en 1999 et 4,45% en 1984. Cette division par trois en vingt ans est le fruit de très nombreux facteurs différents : du niveau des prix internationaux du pétrole, mais également de la consommation elle-même. En vingt ans, le rendement des moteurs automobiles s’est amélioré de 20%, et la part des activités de services moins gourmandes en énergie n’a fait que croître. Sans compter les comportements de tout un chacun, et notamment des automobilistes qui depuis deux ans ont réduit leur vitesse. D’où ce résultat inouï, pour la première fois depuis que les statistiques existent, la consommation de carburants a diminué par rapport à l’année précédente (de 1%).
Ces données françaises, qui valent peu ou prou pour l’ensemble des pays industrialisés, manifestent donc la relative indépendance des économies développées vis-à-vis du pétrole. Mais elle a ses limites.

L’Europe peut avoir l’impression d’être protégée en raison de l’effet amortisseur de l’euro (près de moitié plus cher vis-à-vis du dollar qu’en 1999). En revanche aux États-Unis, les prix à la pompe ont doublé sous l’administration Trump, car étant peu taxés ils répercutent directement la hausse des cours internationaux. De même la Chine en tant que puissance industrielle forte importatrice est tout aussi vulnérable que l’Europe pouvait l’être dans les années 70. Ce sont les deux moteurs de la croissance mondiale qui se trouvent exposés. Là est le véritable risque.

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