Les monnaies impériales grecques.

On donne le nom d’«impériales grecques » aux monnaies en or, argent et bonze des cités dont les ateliers monétaires ont continué leur activité sous l’empire romain. L’extension de la domination de Rome vers l’Orient est l’un des grands phénomènes historiques de l’antiquité.

La numismatique, à qui sait l’interroger, permet d’en suivre le développement au cours des siècles.

  • Ses diverses phases sont marquées par les guerres de Macédoine, de Philippe V à Persée, par la réduction de la Grèce en province romaine, en 146 avant notre ère ;
  • En Asie, par la défaite d’Antiochus le Grand, roi de Syrie, à Magnésie, en 190, enfin par le fameux legs d’Attale, roi de Pergame, qui fit du peuple romain l’héritier de ses États, en l’an 133.

De même que le Grand Roi avait laissé les villes grecques qui faisaient partie de son domaine immense, manifester leur vaniteux particularisme, en émettant des suites monétaires à leurs types et selon leurs divers étalons, la politique de Rome, pour d’autres raisons, se flatta de ne mettre aucun obstacle au monnayage des cités qui constituèrent désormais la Province romaine d’Asie.

Les villes englobées dans l’empire jouirent d’une indépendance relative qui autorisait les manifestations les plus chères à leur amour propre, quitte à se laisser piller par leurs gouverneurs. Près de quinze cents d’entre elles ont un atelier monétaire actif. Elles se répartissent en deux groupes

  • Les colonies romaines, dont la langue est le latin, et qui sont proprement villes d’empire.
  • Les villes grecques, dont la personnalité plus marquée n’est pourtant que le masque de leur asservissement.
    Ces dernières, sur leurs monnaies de bronze traduisent en grec les noms et les titres impériaux : Imperator, Augustus, Caesar, consul, tribunitia potestate, et y placent le plus souvent en signe d’allégeance, l’effigie de l’empereur régnant.

D’autre part, comme pour se conformer au testament d’Attale, le sénatus-consulte de 133 leur avait conféré l’autonomie, elles ont un gouvernement municipal, elles élisent une assemblée, un conseil, un collège de magistrats. On relève donc sur les inscriptions souvent très développées qui servent de légendes à ces monnaies, les noms du proconsul, du propréteur, du légat impérial, du gouverneur, du questeur, mais aussi ceux des autorités locales, l’archonte, le stratège, le prytane, le grammate, l’épimélète, le grand prêtre, et d’autres encore suivant les cas. L’épigraphie nous vient en aide bien souvent pour nous donner une idée du mode d’activité de ces groupements qui participaient à la vie politique ou sportive de la cité.

Les monnaies qui ne portent pas l’effigie de l’empereur sont dites « quasi-autonomes».

On y trouve, et c’est un hommage rendu solennellement au pouvoir central, le buste allégorique du sénat romain, sous l’aspect non pas d’un vieillard, mais d’un homme dans la force de l’âge, ou d’une jeune femme voilée ; celui du Conseil de la ville, celui du Démos, ou du Peuple, jeune homme imberbe, lauré ou diadémé, la poitrine drapée, ou plus rarement un homme fait et barbu – on le voit parfois assis ou debout, une patère à la main, faisant une libation sur un autel.

Il est certain que nombre de types monétaires reproduisent des statues et des groupes érigés sur la grande place des villes, et qui attestaient parfois une alliance entre ces petits États. Dans un décret des byzantins Chersonnésiens, il est question, en effet, d’un groupe sculptural qui représentait le Démos athénien couronné par le Démos des Byzantins et des Périnthiens. Dans un autre passage, il est dit que les Chersonnésiens décernèrent une couronne d’or au Démos d’Athènes, et décidèrent l’érection d’un autel en son honneur et en celui des Charites. II y avait à Athènes même plusieurs statues du Démos, dues à des sculpteurs célèbres.

Un autre type monétaire qui se présente fréquemment, c’est l’image du fondateur mythique de la cité :

  • Pitaneus, à Pitané, en Mysie ;
  • Poimès, à Poemanenun;
  • Pergamos, à Pergame,
  • Le roi d’Assyrie Ninus, à Aninetum ;
  • Le roi Midas coiffé du bonnet phrygien, à Prymnessus, en Phrygie ;
  • L’Héraclide Temenos, à Temenothyre ; Gordios, à Gordiouteiohos;
  • Masdnes, le premier roi lydien, luttant avec le serpent, à Sardes ;
  • Ephesos, fils du Caystre, à Ephèse ;
  • Brouzos, héros macédonien, à Brouzos ;
  • Dokimos, autre macédonien, à Dokimeum ;
  • Pythès et Sitalkas, à Laodicée ;
  • Thymnaros et Akamas, fils de Thésée, à Synnada, etc.

D’autres types évoquent l’histoire passée ou présente, et nous avons là un innombrable répertoire de documentations diverses.
Les divinités honorées comme protectrices de la ville où a lieu l’émission sont aussi invoquées, de même que la déesse Rome, patronne de tout l’Empire. A côté du culte de Rome et d’Auguste, fleurit dans les cités de la Province celui de l’empereur régnant.

Ce zèle religieux se manifeste dans les légendes monétaires par la mention du néocorat.

Le néocore, à l’origine, c’est le sacristain qui dans un temple prend soin des objets du culte. Par la suite on en vint à donner ce titre aux villes qui avaient marqué leur dévotion à l’empereur en construisant un temple en son honneur ou en instituant des jeux pour le glorifier. La déesse poliade d’une ville est souvent représentée tenant le temple sur ses mains étendues. Comme cette initiative était l’occasion de dépenses considérables, il va de soi que seules les villes les plus importantes sont une ou plusieurs fois néocores ; c’est le cas d’Ephèse, de Pergame, de Smyrne.
La fierté de celles-ci s’exprime encore par d’autres titres ; elles revendiquent leur sainteté et leur droit d’asile : leur qualité de métropole, leur rang de « première de l’Asie », leur autonomie.

Tétradrachme (monnaie en argent), 150-145 BC 16.7g. Tyche sur le revers

Les personnifications de la cité sont au nombre des types les plus fréquents et les plus intéressants que nous rencontrions sur les monnaies. Quand ces petits États nouent entre eux des alliances politiques ou commerciales, ils sont représentés par ces ambassadeurs symboliques, revêtus des attributs qui les caractérisent et portant la statue du dieu qui les protège, tandis qu’ils se tendent la main au-dessus de l’autel du sacrifice. C’est ainsi qu’est consacrée la concorde, l’homonoia.
Le plus souvent, c’est sous la forme de Tyché, la déesse de la Fortune urbaine, la tête surmontée d’une couronne murale flanquée de tours, tenant une corne d’abondance et un gouvernail qu’apparaissent les Villes sur les monnaies. C’est là une image très répandue sous différents aspects.

Tyché fait partie de tout un groupe d’allégories analogues :

Niké sur un distatère (monnaie en or) d’Alexandre le Grand

Hygie, la Santé – Niké, la Victoire – Dikaiosyné, la Justice – Némésis – la Fatalité, Ananké –
L’Equité, Eunomia – la Persuasion, Peithô – la Pudeur, Aidôs – la Paix, Eirêné – l’Occasion, Kairos – la Crainte, Phohos – et même la Mort, Thanatos, ou d’autres génies des deux sexes.

La plus belle incarnation de la Tyché était la statue colossale en bronze doré, oeuvre d’un élève de Lysippe, Eutychidès de Sicyone, érigée par Séleucus Nicator au sommet d’un rocher qui surplombait le cours de l’Oronte. En outre d’Antioche même, de nombreuses villes, à l’époque impériale, ont pris pour emblème monétaire une imitation plus ou moins altérée de cette statue, avec à ses pieds un jeune homme à la nage, pour évoquer le fleuve qui l’arrose.
Quand ils prirent pied en Asie mineure, les Romains se trouvèrent en présence non seulement d’institutions diverses, mais de cultes religieux d’une antiquité séculaire et par conséquent si fortement implantés dans l’esprit et les mœurs des populations qu’il fallut composer avec eux.

Ces cultes d’une part constituaient le lieu qui unissait entre elles, en groupements plus ou moins étendus, les cités grecques, et leur donnaient conscience d’appartenir à une même race, et d’autre part étaient l’expression du patriotisme étroit de chacune d’elles.

  • Zeus Labrandeus en Carie,
  • Zeus Panameros, Zeus Lydios,
  • Zeus Hyetios, l’Artémis d’Ephèse,
  • l’Apollon de Claros,
  • l’Artémis de Perga,
  • l’Artémis Leucophryène de Magnésie,
  • la Héra de Samos, Mâ,
  • la Grande déesse de Comana,
  • l’Apollon Didyméen de Milet,
  • l’Apollon Sminthée d’Alexandria Troas

Étaient une source de considération et de richesse pour les villes où ces divinités avaient leurs temples ou leurs oracles. Elles leur conféraient une spiritualité singulière, une physionomie personnelle. Les types monétaires en reproduisent les images. D’autre part, par un retour qui peut surprendre au moment où l’art hellénistique jette son dernier éclat, les antiques idoles aniconiques, objet d’une dévotion tant de fois séculaire, connurent un regain de faveur sous la forme primitive et barbare qu’avaient connue leurs premiers adorateurs. Le mouvement philosophique contemporain n’est pas étranger à ce renouveau. Ainsi les bétyles, les pierres sacrées, les xoana apparaissent en grand nombre sur les monnaies.

De même l’Artémis d’Ephèse, l’Ephesia aux multiples mamelles figure sur le numéraire de nombreuses villes qui attestent de cette façon la diffusion de son culte. Un des exemples les plus curieux que nous relevions de ces courants de dévotion qui se traduisaient par les soins matériels donnés à des statues informes, parées de bijoux, de pendants d’oreilles, de colliers, de manteaux d’étoffes précieuses, nous est donné par la ville de Pergame, en Pamphylie. La statue cultuelle de l’Artémis Pergaia – le nom de la déesse est Perga, l’identification avec Artémis est postérieure – apparaît fréquemment sur les monnaies de Perga, de Sidé et d’Apollonia, en Pamphylie, à Pednelissos, Pogla, Comana, Ariassos, Selgé, Andeda, Attaleia, Sillyon, en Pisidie, à Rhodes, à Mytilène, à Halicarnasse de Carie, à Gordus Julia en Lydie, à Césarée de Cappadoce, jusqu’à Sicyone, dans le Péloponnèse.
Notons encore que les Amazones étaient restées traditionnellement les servantes d’Artémis.

Monnaies de la Grèce antique : tableau des monnaies et de leurs équivalences.

STATÈREMétaux précieux or, argent, électrum avec fractions lydiennes de 1/6ème, 1/12ème, 1/24ème, 1/48e jusqu’à 1/96ème (0.13 gramme).
TALENT60 mines soit 6000 drachmes.
MINE100 drachmes.
SHEKELMonnaie du Proche-Orient correspondant à 1 drachme grecque.
DARIQUEÉtalon d’or de l’empire Perse (époque de DARIUS Ier).
TRIASPièce en bronze de 3 onces.
ONKIASOnce correspond à 1/2 litra argent (Sicile).
LITRADénomination pour le bronze en Sicile.
DILITRON2 litrai-
HEMILITRON1/2 litra-
HEMIDACHME1/2 drachme-
DRACHME6 oboles (4.3 grammes)
DIDRACHME2 drachmes (8.6 grammes)
TRIDRACHME3 drachmes-
TETRADRACHME4 drachmes (17.2 grammes)
PENTADRACHME5 drachmes.
OCTODRACHME8 drachmes.
DECADRACHME10 drachmes (4.3 grammes)
DODECADRACHME12 drachmes.
OBOLE1/6 de drachme (0.72 gramme)
DIOBOLE2 oboles (1.43 grammes)
TRIOBOLE3 oboles (2.15 grammes)
TETROBOLE4 oboles (2.85 grammes)
TRITARTEMORION3/4 obole (0.54 gramme)
HEMIOBOLE1/2 obole (0.36 gramme)
TETRARTEMORION1/4 obole (0.18 gramme)
TRIHEMITETARTEMORION3/8 obole (0.27 gramme)
TRIHEMIOBOLE

Par Alexandre Laurent

Alexandre est diplômé de la Normandy School of Business et de l'Université de Perpignan d'une maitrise d'économie en 1995.Alexandre Laurent evolue dans le secteur bijouterie et or d'investissement.

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