Longtemps cantonné aux créations fantaisie et aux parures ethniques, ce métal précieux a désormais le vent en poupe.
Des ventes en augmentation de 15%, les ténors du luxe qui lancent des collections, les enseignes populaires qui redoublent de créativité… Les marques l’ont compris, l’argent est un marché en or. Longtemps confiné aux gourmettes de communion et aux médailles commémoratives, l’argent semble enfin retrouver ses quartiers de noblesse. Précieux, sobre et bon marché, il séduit les clients des bijouteries et les professionnels du secteur brandissent des chiffres à faire pâlir les amoureux de l’or. Nouveau record estimé à 450 millions d’euros, le marché annonce une croissance de 15% par rapport à 2003 et une hausse de 17% du nombre de pièces vendues alors que le bijou en or est en baisse. Comment expliquer cette évolution ?
Les alchimistes l’appelaient « métal de la lune » ou «de Diane» car c’est le plus blanc de tous les métaux. Très malléable et bon conducteur de chaleur, il est assez mou quand il est pur. Aussi, depuis l’Antiquité, a-t-il été allié au cuivre pour la confection de monnaies, médailles et bijoux. Comme les autres métaux précieux, l’argent est protégé et son titre légal de 800 ou de 925 millièmes est garanti par un poinçon qui représente une tête de Minerve appliqué depuis 1838. Les producteurs les plus importants sont les États-Unis, le Canada, la Bolivie, le Pérou et le Chili. La nouvelle technique du rhodiage, pose d’une mince pellicule de métal blanc inaltérable à l’air, empêche l’argent de noircir et amplifie son éclat.
La tendance actuelle n’est plus au clinquant façon Jennifer Lopez ni aux paillettes à la Paris Hilton. « Le luxe boude l’or, trop brillant, trop ostentatoire, trop ordinaire, pour chercher des codes plus subtils et raffinés », explique Françoise Serralta, directrice de recherche au cabinet de tendance Peclers. « Depuis deux-trois saisons, les noirs, les gris métalliques, les effets laqués blanc font leur retour. C’est la grande vague des matériaux froids et sophistiqués avec, en tête, l’argent.» Car, en plus d’être la matière la plus malléable après l’or, c’est un métal précieux très accessible. De quoi convaincre les grandes maisons qui cherchent sans cesse à rajeunir leur image. Deux tendances sont perceptibles dans la création actuelle, note Vincent Grégoire de l’agence Nelly Rodi : « D’un côté, les lignes minimalistes et urbaines qu’on retrouve, par exemple, dans les collections unisexes d’Armani ; et, de l’autre, l’inspiration baroque, tribale et ethnique. »

Le métal précieux a trouvé un de ses premiers ambassadeurs auprès de Christian Lacroix dès 2000. « L’argent fait le lien entre la patine de l’histoire et la netteté contemporaine », commentait alors le couturier qui signait des formes baroques d’argent rehaussé de pierres multicolores et de perles. Quelques mois plus tard, Kenzo poursuit avec des modèles en argent évidé, gravé ou allié à des cuirs de Cordoue sur le thème du poisson japonais. Broché de grenat, d’améthyste et même de saphir, l’argent s’est peu à peu adapté à toutes les fantaisies de la griffe qui, cet automne, présente des pièces monumentales pour sa collection Pondichéry. Puis Thierry Mugler fait appel à la maison Arthus Bertrand pour argenter ses bijoux fantaisie. Même l’orfèvre Christofle s’est lancé dans l’aventure : en janvier, la styliste Andrée Putman signe la Collection 925 dans laquelle elle décline en bijoux un anneau qui était, à l’origine, le motif de sa collection d’orfèvrerie Vertigo. En octobre, la sculpteur américaine Michèle Oka Doner sortira la collection Palmaceae, des bijoux en argent massif hérissé, travaillés sur le motif de la palme. Quant à Montblanc, avec sa première collection de bijoux en argent (de 135 à 475 €), la marque « entend toucher un public féminin ».
![]() |
Bague Collection Star Argent et résine |
Quelques enseignes de joaillerie comme Christian Bernard ou Tiffany ont même allié l’argent à du rubis ou du diamant. Chez le joaillier new-yorkais, la nouvelle collection, baptisée 1837 en référence à l’année de naissance de la marque, présente des formes et des techniques de travail innovantes pour cette institution de l’argent. Brossé, poli, tressé en maille, le métal précieux y est même associé à du caoutchouc.

Le célèbre pendentif Open Heart d’Elsa Peretti est désormais rehaussé d’un diamant. « Nous sommes très attentifs au rapport qualité-prix, explique Agnès Cromback, présidente de Tiffany France. Avec le premier pendentif à 100 €, l’argent est une matière à la fois élégante et accessible qui nous permet de toucher plus jeunes. »
Huit à dix fois moins cher que l’or blanc, l’argent a libéré la création.
Il n’y a pas que le luxe à en avoir profité. A la suite des grandes maisons, une kyrielle de marques populaires et d’artisans anonymes se sont jetés sur cette mine d’or. Aujourd’hui, ce sont eux qui portent le marché de l’argent. A l’image des modèles du luxe, les vitrines de Clio Blue, Biche de Bère, Agatha ou du Manège à bijoux (Leclerc) regorgent de nouvelles idées. On trouve par exemple du quartz rose monté sur une bague en argent (30,90 €) chez Leclerc, un des leaders du secteur. Autre champion du marché, Clio Blue et son petit poisson d’argent, totem de la marque, fondu pour la première fois dans de la résine. Universel, l’argent séduit toutes les tranches d’âge, hommes et femmes confondus. « Son côté « chic pratique », entre fantaisie et joaillerie, plaît aux citadines, explique Véronique Taravel, directrice des relations publiques chez Christofle. Elles le portent pour travailler comme pour sortir. » Pour d’autres, comme Leclerc, le bijou en argent est un produit d’appel pour les jeunes : « Avec des modèles de 5 à 90 €, nous cherchons à fidéliser les adolescentes et les 20-30 ans, amenées à devenir les futures clientes de nos pièces en or », explique Jean-Pierre Decons, directeur des produits du Manège à bijoux. « Matière première de l’adolescence, l’argent a un côté tendre et naïf », analyse Vincent Grégoire évoquant les femmes qui portent de l’argent en souvenir de leur première bague de jeune fille. Mais, selon lui, ce sont surtout les lignes pour hommes qui ont réveillé «la connotation adolescente et antisociale » de l’argent. Colliers de chaînes barbelées chez Gaultier, plaques et chevalières d’Armani et, surtout, les bagues armures de la marque californienne Chrome Hearts qui, dès les années 90, a eu un rôle précurseur dans le revival de l’argent : « Toute la vague de bijoux inspirés des bikers et des rockers aurait été vulgaire en or, poursuit Vincent Grégoire. L’argent lui confère un air de parade majestueuse.» Les gourmettes de communion attendent donc un relookage.
Laisser un commentaire