Affranchi de son statut de solitaire, dopé par la création, le bijou en diamant se démocratise : en dix ans, les ventes ont grimpé de 50%.
Planqué dans une cour de la place Vendôme, le boudoir badigeonné de rose de Victoria Casal tient davantage du salon de lingerie que de la bijouterie classique. Pas d’hommes mais des bandes de filles qui viennent s’acheter des sifflets en or piqués de microbrillants, des pendentifs «diamant captif», pièce culte créée par Pascal Morabito en 1970. Avec des prix qui oscillent entre 490 € et 8 400 €, le boudoir de Victoria, ouvert il y a quatre ans, ne désemplit pas. Le virage «mode» pris par le bijou diamant est drastique et les exemples sont légion. De Vivienne Westwood, qui lance le mois prochain sa ligne Hardcore 100% diamants (voir interview ci-contre), au joaillier chinois Queelin, dont les pièces sont portées par Maggie Cheung, en passant par Secret Inside qui propose des brillants taillés de façon à faire apparaître dans la pierre des cœurs et des flèches… Pas un mois ne passe sans qu’une nouvelle marque ne décide de dépoussiérer la plus noble des pierres précieuses.
Une nouvelle génération de femmes de 25/40 ans ne se reconnaît plus dans le message symbolique et statutaire véhiculé jusqu’alors par un bijou en diamant. Elles veulent une relation plus légère, s’en offrir pour se faire plaisir et se sentir belle.» Mais la partie était loin d’être gagnée en France où l’éclat de cette gemme a longtemps été plombé par une image traditionaliste.
De fait, dans un pays où le taux de possession est le plus faible d’Europe (36% contre 85% en Angleterre), où les marques de bijouterie joaillerie investissent moins de 2% de leur chiffre d’affaires dans le marketing (contre 10% dans les autres secteurs du luxe), il a fallu toute la puissance de communication de DTC (l’organisme dépense 280 millions de dollars par an dans le monde pour promouvoir le diamant) pour repositionner le bijou en diamant dans la sphère de l’accessoire de luxe. Après Trilogy en 2000, DTC lance aujourd’hui une nouvelle campagne publicitaire, Sensuality, qui met en avant six nouvelles marques avec des produits entre 500 € et 3 000 €. Le succès devrait être au rendez-vous : en quatre ans, la campagne Trilogy s’est arrogé 8% du marché français du bijou en diamant qui a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires total de 1,3 milliard d’euros. Soit une croissance de 50% en dix ans.
De quoi inciter les joailliers traditionnels à le traiter différemment. Ainsi, l’Italien Bvlgari, spécialiste de la pierre de couleur, a passé l’an dernier un joint-venture avec le groupe israélo-russe Leviev, concurrent direct de de Beers, afin de pouvoir renforcer son offre tant dans la haute joaillerie que dans les «produits d’accès». Même stratégie chez Harry Winston qui, depuis son rachat en 2004 par le canadien Aber, actionnaire de mine de diamants, entend bien proposer des collections plus «démocratiques» avec des modèles à partir de 5 000 €.
Du côté de la place Vendôme, on mise sur la création pour séduire cette nouvelle clientèle de trentenaires actives et urbaines.