Dynamique des patrimoines et croissance aux USA.

Nous tentons ici de relier entre elles les analyses traitant des rivalités patrimoniales et les phénomènes de sur-croissance et de sur-crédit.  L’objectif de papier est de montrer que la crise américaine est bien issue de rivalités patrimoniales dont le rôle a été d’assurer le transfert de richesse vers les hauts revenus  au travers du montage en dérivé  des diverses formes de propriété du capital sur la richesse nationale des USA. Il en a résulté deux phénomènes : le sous-investissement productif du pays  et la stagnation des revenus du travail des déciles inférieurs (1-80 ou 1-90) couplée à une sur-croissance et à un sur-crédit de plus en plus affirmés.

Nous appelons sur-crédit le phénomène suivant :  le déficit commercial se répercutant dans la balance des paiements entraîne un refinancement de l’économie par le solde net des capitaux garantissant simultanément la valeur du dollar. Le sur-crédit est le produit de l’épargne gratuite offerte par les investisseurs étrangers, cette offre entraîne un gonflement du volume de crédits pouvant être offert alors que l’épargne nationale – essentiellement celle des ménages – baisse.

Le sur-crédit revêt deux formes : les emprunts nets du marché financier (amortissement des emprunts anciens – emprunts nouveaux) à la hausse ; l’endettement croissant des acteurs économiques (entreprises, ménages, administrations publiques).

La sur-croissance est le résultat de la consommation pied au plancher des ménages qui n’ont plus à épargner une fraction de leur revenu. Cette sur-croissance soutient un investissement médiocre  qui permet à l’économie américaine de suivre le rythme du moteur économique qu’est la consommation des ménages. Cette difficulté est symptomatiquement trahie par la montée de l’importance des déficits extérieurs et des flux nets de capitaux et une affirmation croissante des traits extensifs de la croissance (consommation croissante d’épargne et de produits importés, consommation croissante de capital fixe par les entreprises, chute de la capacité à mobilier la population en âge de travailler…)

Cette consommation des ménages  pied au plancher trouve son origine dans le sur-crédit. Le sur-crédit s’exprime dans une disproportion croissante  entre l’épargne nationalement disponible (épargne nationale + solde des flux financiers), les crédits et emprunts réalisés au sein du marché financier et les niveaux d’endettement des agents économiques. Avant 2007-2008, ces niveaux d’endettement  élevés affectaient essentiellement les agents économiques  privés sur fond de rivalités patrimoniales creusant les inégalités de revenu sous le couvert d’illusions de richesses.

Dans le cadre des rivalités patrimoniales, ces endettements  n’ont pas même statut.

a) pour les entreprises,  l’endettement  leur permet de résister à la pression de la ponction des revenus de la propriété sur leur profit brut  du capital en réalisant  une double accumulation de capital.

b) Pour les ménages, l’endettement – essentiellement immobilier – permet d’opérer un transfert de part de revenu des ménages des déciles inférieurs (1-80 ou 1-90) vers les ménages supérieurs sur fond de polarisation vers le haut des revenus du travail et vers le bas des transferts sociaux publics. Pour les ménages des déciles inférieurs (1-80 ou 1-90), le patrimoine immobilier est un lot de consolation (financé au prix fort) rendant supportable une modeste évolution des revenus du travail.

Dans la course à la taille des patrimoines immobiliers et financiers, le patrimoine financier des ménages gonfle démesurément sous l’action des emprunts faits sur le marché financier, des opérations à découverts des spéculations financières  et des taux d’intérêt baissiers. Dans les rivalités patrimoniales,  ce gonflement de la valeur des patrimoines est la condition pour que les patrimoines financiers des ménages l’emportent sur celui des entreprises, et parmi les ménages, pour que le patrimoine des ménages les plus aisés (décile 20-80 ou 90-100) domine les ménages les moins riches (déciles 1-80 ou 1-90). La disproportion des patrimoines financiers étant à l’avantage des ménages les plus riches, l’endettement étant concentré parmi les déciles moins aisées (déciles 1-80 ou 1-90), le résultat des rivalités patrimoniales est de déplacer du revenu vers les ménages les plus riches principalement par le jeu des tailles des patrimoines et des endettements  différentiels par décilles – les décile supérieurs étant moins endettés en proportion de leur patrimoine.

En raisonnant en ces termes, nous n’avons pas fait d’erreur. Pourtant, notre démonstration contient une faiblesse. Les transferts de revenu ont pour base le PIB des USA. Ce PIB suppose que la surconsommation – qui est essentiellement le fait des ménages – soit un excédent de la consommation nationale américaine  sur la production nationale de richesse. Il y a aux USA déficit commercial et déficit de la balance des paiements parce que les américains consomment plus de marchandises physiques qu’ils n’en produisent et que les soldes des balances des services et des revenus des capitaux (Intérêts, profits, et dividendes + transfert sans contrepartie) ne peuvent rééquilibrer les déficits commerciaux.

Statistiquement cette surconsommation est mesurée par trois indicateurs : le Net Import-Export,  le Net-Lending and Borrowing (les besoins d’emprunts et de prêts du pays causés par une consommation des ménages excessives ne laissant plus assez d’épargne nationale pour l’investissement, épargne des entreprises inclues), le solde net des flux financiers venant combler ce manque.

La question qui se pose est alors la suivante : d’où vient l’argent qui a permis aux ménages de surconsommer ? Du (sur)crédit dira-t-on ou plus précisément ? Mais si le sur-crédit à permis aux ménages de consommer au-delà de leur revenu (dans le cas contraire, il n’y aurait pas eu de déficit extérieur , de surconsommation nationale de produits étrangers et d’épargne importée) , comment cet excédant est arrivé dans leur poche et a été ensuite dépensé ? Répondre à cette question, c’est se demander comment le crédit et les patrimoines peuvent doper la consommation de manière artificielle, comment cette  (sur)consommation stimule  la (sur)croissance et comment cette sur-croissance finit dans la décennie précédant la crise par masquer les faiblesses grandissantes d’un système productif souffrant d’un investissement insuffisant et d’une division du travail peu favorable à une forte dynamique de création de richesse en raison du poids grandissant de services moins productifs et aux emplois globalement peu rémunérateurs.

A – Crédit et patrimoine au cœur de la surconsommation des USA.

a – Qui a creusé les déficits extérieurs.

1° Les entreprises.

Grandes perdantes au jeu des rivalités patrimoniales les entreprises américaines sous-investissent depuis trente ans. Elles ne sont donc pas la cause du déséquilibre des comptes extérieurs des USA en raison d’importation excessive de biens d’équipement. Dans ce domaine  des biens d’équipement, les USA ont su conserver une balance de leurs échanges extérieurs à l’équilibre.

2° Les ménages.

Les ménages en revanche  sont responsables du creusement des déficits extérieurs américains.  Leur consommation de biens manufacturés (et d’énergie) est la cause de ce déficit qui est inscrit dans le modèle de transferts de part grandissante de revenu des déciles inférieurs des ménages (1-80, 1-90) vers les déciles supérieurs (Top ten ou 80-100) supposant que des biens  bons marchés entrant dans la consommation des ménages compensent la faible progression de leurs revenus.  Nous avons parlé d’un intérêt objectif  du Top Ten à la désindustrialisation  des USA dont le pendant est la financiarisation et la patrimonialisation financières démesurée de leurs actifs.

3° Les administrations publiques.

Les administrations publiques ont un rôle marginal car leur déficit joue un rôle modeste dans la dégradation des comptes extérieurs des USA. Leurs déficits jusqu’en 2007, ne leur ont pas  permis de distribuer un revenu  surnuméraire important. La faiblesse de leur investissement ne permet pas plus d’expliquer les déficits extérieurs par le poids d’investissements publics non couvert par une production nationale. En fait les salariés des administrations publiques ne peuvent creuser  le déficit extérieur que s’ils ont du patrimoine immobiliers et mobiliers comme les autres ménages américains.

Ce sont donc les dépenses des ménages – non financées par un revenu issu de la production de richesse  – qui sont au cœur des déficits extérieurs. Quel est le rapport entre les dépenses excessives des ménages, les patrimoines et le (sur)crédit. Ces dépenses ont la particularité de se faire pied au plancher en raison d’une faible épargne et de la capacité  des États-Unis d’assurer  la couverture  de leurs échanges extérieurs de biens physiques grâce à l’importation d’épargne étrangère et à leur privilège monétaire d’avoir la monnaie internationale.

B – Comment s’est générée la surconsommation des ménages

La surconsommation des ménages est issue de deux phénomènes différents supposant de distinguer les ménages et leurs patrimoines par déciles. Nous ne pouvons que proposer une explication très schématique du processus puisque les organismes statistiques américains ne fournissent aucune statistique intégrée permettant de comprendre comment se génère la surconsommation des ménages. Nous cherchons l’origine d’un pouvoir d’achat surnuméraire en valeur  pouvant se manifester dans un déficit commercial.

1°  Déciles inférieurs des ménages (1-80 ou 1-90)

Le patrimoine de ces ménages se distingue pas les traits suivants
1° Prépondérance de l’ épargne liquide sur l’épargne solide ;
2° Patrimoine immobilier dominant le patrimoine financier.

Il existe alors deux manières pour ces ménages de consommer au delà de leur revenu.
1° Faire appel aux crédits à la consommation. Ces crédits ont joué un rôle dans la surconsommation des ménages, mais leur croissance très encadrée (pour des raisons de risque inflationniste) ne leur confère pas un rôle très important;
2° Consommer les gains réalisés sur la valeur des patrimoines (capital gains) lors des cessions d’actifs. Ces plus-values ont la particularité de ne pas apparaître dans le PIB et dans les revenus issue de l’économie (Salaire direct et indirects, intérêts, dividende, revenu de la propriété des entreprises)
a- Ces gains étant nuls sur les actifs liquides, ce sont les actifs solides qui peuvent jouer un rôle important. Mais comme leur poids est faible dans les patrimoines financiers, ce ne sont pas les actifs financiers solides qui peuvent dégager des gains importants. Les actifs financiers ont donc un rôle marginal dans la création de revenu surnuméraire.
b- Il n’en est pas de même pour les logements. Les logements sont pour les ménages américains des déciles 1-80 à 1-90 le moyen privilégie de faire des plus-values. Ce sont ces plus-values produites par les patrimoines immobiliers qui sont les plus à même de distribuer un revenu surnuméraire produit par le sur-crédit.

En effet, les logements américains sont généralement  achetés avec de faibles apports. Dès lors, la part de valeur des maisons vendus transfèrent un revenu surnuméraire financé à crédit de l’acheteur  au vendeur du bien. Ce qui limite la valeur de la masse de ces transferts – formant un revenu surnuméraire – c’est que vendeurs doivent continuer à se loger et que cette condition s’applique aussi en partie à leurs héritiers quand la plus-value est réalisée lors d’une succession. Les vendeurs  peuvent aussi convertir en nouveaux placements immobiliers ou en placements financiers la valeur de leur plus value dans un contexte de valorisation des patrimoines. Le montant des plus-values réalisées pouvant  se transformer en achat de produit de consommation creusant le déficit ne doit donc pas être surestimé.

En somme, les gains sur cession d’actifs financiers et immobiliers et les crédits à la consommation permettent au sur-crédit d’irriguer en argent créé de toutes pièces le pouvoir d’achat surnuméraire des ménages. Mais l’accumulation des patrimoines – Immobiliers plus que mobiliers – et les contraintes de logement restent suffisamment fortes  pour freiner la consommation des plus-values réalisable  tout en encourageant la multiplication des crédits à la consommation.

La surconsommation nationale de biens physiques  dépend des rivalités patrimoniales qui donnent au logement et au crédit à la consommation sans doute un rôle prépondérant dans la formation de pouvoir d’achat surnuméraire des déciles 1-80 ou 1-90.

B –Déciles supérieurs des ménages (80-100 ou top ten)

Le patrimoine des déciles supérieurs se distingue par les caractères  suivants :

1° prépondérance de l’épargne solide sur l’épargne liquide ;
2° patrimoine immobilier d’un montant très élevé  restant dominé par l’épargne financière.

Ce groupe est celui qui dépend le plus des variation à la hausse des patrimoines pour augmenter son revenu par des cessions d’actifs. Il fait en effet peu appel à des crédits à la consommation pour améliorer son pouvoir d’achat surnuméraire et dispose de conditions de réalisation idéale de son patrimoine immobilier et financier pour empocher des plus-values.

L’élévation de la valeur des biens mobiliers relève du crédit à bas prix qui en favorise la valorisation dans des conditions spéculatives  parfaitement dérégulées.  La part des plus-values réalisées est le résultat de la création monétaire ou du sur-crédit particulièrement sensible quand on tient compte de l’écart entre l’épargne nationalement disponible et les emprunts du marché financier pour soutenir l’ensemble de ses opérations (circulation du capital argent entre les acteurs financiers et formations de dettes des agents économiques).

Pour les logements, les plus-values réalisées peuvent faire intervenir un crédit plus faible en volume, mais représentant des plus-values considérables en raisons du prix des biens. Les limitations des plus-values réalisées entrant dans la consommation sont identiques à celles des décile de ménages 1-80 ou 1-90.

Pour les déciles 1-90, les plus-values entrant dans la consommation dépendent donc plus des patrimoines financiers que des patrimoines immobiliers. Les revenus surnuméraires distribués par les patrimoines immobiliers et plus modestement par les patrimoines immobiliers permettent d’expliquer la surconsommation des ménages américains des déciles 80-100 ou 90-100.

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On mesure à quel point le gonflement de la valeur des patrimoines financiers et immobiliers peut entretenir la sur-croissance de l’économie. Le gonflement de la valeur des patrimoines entretient en effet une euphorie consumériste conduisant les ménages à ne plus faire une épargne importante. Le taux d’épargne chute. La consommation pied au plancher tire la croissance américaine d’autant plus fortement que les déficits extérieurs fournissent l’épargne manquante,  La gratuité de cette épargne importée  par l’économie nationale américaine  encourage un sur-crédit. Ce sur-crédit joue un rôle modeste au niveau des crédits à la consommation dont la croissance encadrée doit peu à son existence. En revanche,  le sur-crédit est au cœur de l’accumulation financière des ménages (et des entreprises) et de leur accumulation immobilière qui finit par distribuer un pouvoir d’achat additionnel au travers des plus-values réalisées sur les cessions d’actifs par les ménages.  Ce sur-crédit entretient et stimule la valorisation des patrimoines dont la distribution très inégale entre les ménages et les entreprises finit par concentrer  les revenus et la richesse patrimonial vers le haut de l’échelle sociale.

En donnant une explication schématique de ce processus, nous avons quelque peu simplifié la responsabilité des différents déciles des ménages dans le creusement des déficits et le réamorçage permanent  du processus de la croissance patrimonialisée, processus  complexe puisqu’il se joue au niveau des comptes extérieurs, de l’investissement et de la production, de la division nationale et internationale du travail,  de la répartition des revenus et des patrimoines,  des patrimoines et du crédit, des plus-values et du pouvoir d’achat effectif des ménages.

Nous avons aussi du laisser de côté le rôle des investissements résidentiels dans la surcroissance.  Il est clair qu’en achetant des logements neufs, le mécanisme de vente et d’achat de logement de dope pas la croissance via  des plus-values financées à crédit. Mais l’Euphorie consumériste, en poussant les ménages à acheter des logements neufs , avec des apports toujours plus faibles,  participe à la croissance artificielle du PIB.   L’impact de ces achats de logements neufs sur le déficit commercial est faible.

C – Les contraintes patrimoniales de la croissance : Inflation et déflation.

Les contraintes patrimoniales  de la croissance sont les  suivantes. Pour que la croissance préserve la valeur des patrimoines mobiliers et immobiliers, deux conditions doivent être remplies :

1° il faut que la consommation des ménages n’entraîne pas d’inflation ;
2° il faut que les gains patrimoniaux ne soient pas réalisés à hauteur de leur accroissement qui est plus rapide que la production de richesse réelle du pays.

Ces deux conditions sont corrélatives  l’une de l’autre.

1° La consommation des ménages n’entraîne pas d’inflation à condition que le pouvoir d’achat surnuméraire des ménages  – plus-values perçues par les ménages et  crédits à la consommation qui leur sont octroyés – ne pèse pas sur la seule production nationale américaine déjà stimulée par la consommation pied au plancher des ménages. La solution la plus simple est donc de faire venir la couverture de cette surconsommation de l’étranger. N’a-t-elle pas l’avantage  d’être une composante de la croissance patrimonialisée ?  Et ne permet-elle pas à l’économie américaine de faire une surcroissance sans inflation, l’importation de marchandises moins chères ou plus concurrentielles  pesant  positivement dans la modération des prix des biens de consommation sur le marché américain ?

Ces produits importés moins chers ont encore l’insigne avantage de rendre supportable les inégalités croissantes de revenu des déciles inférieurs. L’importation des produits étrangers est aussi compatible avec la chute des taux d’investissement du capital productif  qu’implique une distribution de revenu grandissante vers le Top 10 des ménages. Cette importation  entretient une croissance dont la base productive souffre des renoncements à la production industrielle et du sous-investissement, tous deux porteurs d’une moindre création de richesse occultée par les effets de distributions de revenus inégalitaire et surnuméraire de patrimoine financé à (sur)crédit.
2° La valeur des patrimoines mobiliers et immobiliers doit constamment être à la hausse. En effet, la réalisation des plus-values au terme de cession d’actifs est un risque permanent pour l’économie qui risquerait de voir grossir une demande creusant trop brutalement l’écart entre la demande et l’offre américaines au prix d’une inflation explosive, d’une dégradation aigue des comptes extérieurs et de tension sur la valeur du dollar.

La solution ordinaire consiste à baisser les taux d’intérêt pour réussir a constamment réengager les plus-values réalisées dans le processus d’accumulation des patrimoines, la régulation du marché financier est bien entendu impossible dans ces cas de figure. Cette réévaluation  permanente  de la valeur des patrimoines financiers est aussi une des conditions pour que les capitaux étrangers continuent d’affluer aux USA et pour qu’ils réinvestissent leur IPD afin de faire turbiner la machine à sur-crédit sans laquelle la valorisation des patrimoines  dans un endettement croissant de tous les acteurs économiques – à l’exception du Top Ten des ménages -seraient strictement impossibles.

3° A côte de ce risque d’inflation, il en existe un autre : le danger d’une déflation. La demande des ménages – et par extension les investissements productifs – dépendent d’une surconsommation des ménages tirant la croissance. Le Rôle du sur-crédit dans la formation de la demande apparaît essentiel. Il nourrit les prêts à la consommation tandis que  les plus-values soutiennent une consommation insolvable pour les ménages des déciles inférieurs et exagérée pour les ménages des déciles supérieurs. L’investissement résidentiel est dépendant de la course aux patrimoines et il en est de même de l’investissement productif  qui doit être réalisé en régime de double accumulation, ce régime de double accumulation se survivant à lui même durant la décennie précédant la crise en raison même de l’accentuation de la surcroissance dans des déséquilibres toujours plus marqués.

Comme, nous essayons de le montrer ici, les mécanismes de la déflation et de l’inflation sont directement liés à la croissance patrimonialisée. L’inflation des actifs mobiliers et immobiliers est la condition continue de l’absence d’inflation des prix à la consommation. La déflation de patrimoines est impossible en temps de sur-croissance et particulièrement nocive en cas de déflations des valeurs mobilières et immobilières. La déflation des patrimoines ne peut en effet que conduire à la chute de la demande et à un risque de déflations des prix.

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La fuite en avant dans la sur-croissance et le sur-crédit est donc fatale. Poursuivre la croissance patrimonialisée, c’est aller à la dépression. Tenter de la freiner, c’est aller à la crise et à la déflation générale. La crise des subprimes est née de cette contradiction de manière ponctuelle : la remontée des taux directeurs de la FED visant à éviter l’inflation sous l’action d’une surchauffe de l’économie a abouti à l’effondrement de l’économie.

Les contraintes patrimoniales de la croissance conduisent alors inévitablement à une dégradation générale du modèle de croissance économique des USA faute de politique alternative.

L’attractivité du marché financier fixe en effet les IPD et les plus-values réalisées par les capitaux étrangers tout en faisant fonctionner le marché financier américain à la manière d’une pompe à épargne planétaire.

Le solde des flux financiers étrangers toujours positifs fournit la base du refinancement de la surconsommation des USA : l’épargne importée (gratuite) venant s’ajouter à une épargne nationale dont le taux de formation nationale ne cesse de baisser.

IL est donc possible de financer à crédit les achats de logements, le gonflement des patrimoines financiers et accessoirement la double accumulation du capital des entreprises et les déficits publics. Mais les contradictions générales du modèle de croissance deviennent de plus en plus explosives.

Le revenu additionnel des ménages financé par les crédits à la consommation, les crédits hypothécaires et le crédit au système financier permet de faire tourner la consommation américaine et l’investissement à des niveaux suffisants pour entretenir une dynamique de création de richesse en apparence forte.

Hélas cette dynamique suppose un sous-investissement préjudiciable à la dynamique réelle de la croissance. Quand la crise éclate, l’effondrement de la production reconduit la capacité de production nationale de richesse à un point de stabilisation toujours plus bas en raison (a) des déséquilibres intérieurs et extérieurs du modèle de croissance et (b) un enraiement du rôle moteur d’une consommation diminuée par la reformation d’épargne, des crédits à la consommation fléchissant et des plus-values à la baisse épousant la contraction du (sur)crédit et de chute de la valeur des patrimoines.

Cette dynamique patrimoniale suppose une division du travail de moins en moins favorable à la distribution de revenu du travail important alors que les revenus de la propriété du capital des déciles supérieurs comprime cette distribution de revenu pour les déciles inférieurs. Quand la crise éclate, le financement des crédits immobiliers des déciles 1-80 ou 1-90 apparaît  disproportionné au regard des revenus des américains des déciles 1-80 ou 1-90  qui  n’ont plus qu’une solution : se désendetter.  La dégradation des bilans patrimoniaux immobiliers (et à un moindre titre mobiliers) pâtit de la baisse du prix des logements et des valeurs mobilières. L’envie ou la possibilité de faire de nouveaux crédits fléchissent au moment même où les gains spéculatifs réels ou virtuels sur les patrimoines financiers et immobiliers sont fortement menacés. La dégradation de l’économie qui n’est plus stimulée par le dumping patrimonial fait le reste (chômage, stagnation des salaires). Les capacités de consommation effectives ou le pouvoir d’achat surnuméraire des ménages s’affaiblissent avec la crise du modèle de croissance patrimonialisée.

Les hauts revenus qui tirent l’essentiel de leur pouvoir d’achat surnuméraire des revenus de la propriété du capital font grise mine. D’une part, les revenus de la propriété du capital sont affectés par la crise au même titre que les revenus du travail qu’ils touchent, d’autre part, s’ils sont moins atteints par la contraction du crédit dont ils font un modeste usage, ils sont rudement touchés dans la formation de leur revenu surnuméraire par la dévalorisation relative des patrimoines financiers résultant de la contraction du marché financier sous l’action d’un crédit plus rare.

La crise précipite un effondrement général (credit, demande, investissement) qui aurait du se transformer en déflation généralisée en raison des artifices nombreux qui interviennent pour soutenir l’investissement productif et résidentiel, la consommation, le sur-crédit et la valeur des patrimoines, bref l’économie. Cette crise est la traduction du fait que toute l’économie américaine a fonctionné à rebours des conditions normales d’investissement et de distribution de revenu depuis trente ans.

Conclusion

Cette crise est donc bien la crise d’un modèle de croissance patrimonisalisée dont le fonctionnement est extrêmement  complexe et les facteurs de crise nombreux.

S’engager dans ce type de croissance, c’est prendre une voie sans  issue.

Une fois que la course aux patrimoines est engagée,  elle ne peut plus être arrêtée. Cette course aux patrimoines est en effet la fille des inégalités de revenus, de la prédation de l’appareil productif par les plus riches, de l’affaiblissement fonctionnel de la base productive du pays, des déséquilibres des comptes extérieurs indispensables pour conjurer l’inflation, de l’inflation de la valeur des patrimoines – mobiliers et immobiliers – nécessaire à l’attraction des capitaux étrangers et à la conservation dans les voies de l’accumulation patrimoniales des plus-values mobilières et immobiliers des entreprises , des ménages et des investisseurs étrangers,  de la genèse du sur-crédit et des taux d’intérêt toujours plus bas pour entretenir la machine à valoriser du patrimoine avec de l’épargne étrangère gratuite…

Cette course est irréversible car elle offre les conditions de  la régulation monétaire   de la croissance patrimonialisée en définissant un équilibre (instable) entre  l’inflation des patrimoines et la stabilité des prix au niveau de la production et de la consommation ; les déséquilibres de revenu et la formation du compromis national-patrimonial, l’accumulation de richesse du top 10 et une base productive  en contraction relative couplée à des revenus de plus en plus inégalitaire entre les ménages ; la division nationale du travail et le rôle du double déficit (financier et commercial) extérieur du pays…

Toutes les analyses antérieures faites sur ce blog  convergent  donc vers des conclusions alarmantes. Un ébranlement patrimonial  de l’envergure de celui qui a résulté du choc patrimonial de la crise de 2008-2009, ne permet pas d’envisager un redémarrage de la croissance américaine. Le cycle de croissance des trente dernières années est définitivement terminé.

La crise actuelle n’a eu à ce jour aucun effet curatif, elle est grosse d’une destruction intégrale du modèle de croissance patrimonialisée : une récession ne peut conduire à aucun point d’équilibre nouveau à partir duquel l’économie pourrait reprendre.  La croissance patrimonialisée s’est nourrie de trop de déséquilibres explosifs pour retrouver un plus bas positif. Le plus bas, c’est l’effondrement général !!!

La parade des déficits publics (FED et Trésor) ne résout rien. Elle diffère la crise sans lui porter remède. Elle risque de conduire les USA vers une crise encore plus grave que celle de l’hiver 2008-2009. A un moment où l’Europe se porte mal, les difficultés américaines structurelles ne laissent pas augurer un avenir radieux

Par Alexandre Laurent

Alexandre est diplômé de la Normandy School of Business et de l'Université de Perpignan d'une maitrise d'économie en 1995.Alexandre Laurent evolue dans le secteur bijouterie et or d'investissement.

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